Le Premier ministre guinéen, Amadou Oury Bah, a annoncé ce lundi à Abidjan, lors du Forum Afrique CEO, la tenue d’élections générales et présidentielles en décembre 2025. Cette déclaration intervient dans un contexte politique tendu, marqué par près de quatre années de transition militaire depuis le renversement du président Alpha Condé par le colonel Mamadi Doumbouya en 2021.
Les autorités s’engagent parallèlement à organiser un référendum constitutionnel le 21 septembre 2025. Ce processus, selon Bah, repose d’abord sur une vaste opération d’enregistrement civil et électoral, qu’il qualifie de « socle des politiques publiques futures ». Une étape cruciale, certes, mais qui n’efface pas les zones d’ombre qui entourent la sincérité de la transition.
Transition sous contrôle ?
Si l’annonce des élections peut sembler rassurante pour une opinion publique lassée des promesses non tenues, elle intervient alors que le climat politique reste verrouillé. En octobre dernier, les autorités militaires ont dissous 53 partis politiques et placé 54 autres sous surveillance. Ce coup de balai massif contre les forces partisanes laisse planer de sérieux doutes sur la possibilité d’un scrutin réellement pluraliste.
L’adoption d’une nouvelle Constitution, juste avant les élections, pose également question. Est-ce une refondation démocratique ou une manœuvre pour institutionnaliser un régime à la main des militaires ? Les critiques estiment que cette séquence pourrait consolider le pouvoir du colonel Doumbouya et de ses alliés sous un vernis civil.
Un scénario régional familier
Le cas guinéen s’inscrit dans une dynamique plus large en Afrique de l’Ouest, où les transitions militaires se multiplient, de Bamako à Ouagadougou en passant par Niamey. Souvent initiées au nom de la restauration de l’ordre ou de la lutte contre la corruption, ces prises de pouvoir se transforment progressivement en systèmes hybrides mêlant autoritarisme et légalité institutionnelle.
Face à cette tendance, la société civile guinéenne, les acteurs politiques restants, ainsi que les partenaires régionaux et internationaux, doivent rester vigilants. Une transition ne se mesure pas uniquement par des dates inscrites au calendrier électoral, mais par la capacité à garantir des droits, des libertés et une alternance effective.
Une démocratie à l’épreuve
Le discours du colonel Doumbouya en janvier, qualifiant 2025 d’« année cruciale pour la restauration de l’ordre constitutionnel », résonne désormais comme un engagement à double tranchant. Il engage non seulement sa responsabilité politique, mais aussi celle de tout un système à prouver que la transition ne se résume pas à un exercice cosmétique.
Dans une Guinée riche en ressources mais fragile sur le plan institutionnel, la démocratie ne peut être un simple slogan. Elle exige des institutions indépendantes, une presse libre, des garanties pour l’opposition, et surtout, un processus électoral transparent et inclusif.
Ce qui est en jeu
Ce que la Guinée joue dans les mois à venir dépasse largement ses frontières. C’est la crédibilité même des transitions politiques sur le continent qui est en jeu. L’opinion publique africaine observe, critique, et aspire de plus en plus à une gouvernance responsable. Le rendez-vous de décembre 2025 sera décisif : il dira si la Guinée tourne enfin la page de l’instabilité ou si elle s’installe durablement dans une forme de gouvernance militaire travestie.
Une chose est sûre : pour que la promesse démocratique soit crédible, elle doit être construite dans la transparence, partagée avec les citoyens et protégée contre toutes les formes de confiscation du pouvoir.