Depuis plusieurs décennies, la Corne de l’Afrique occupe une position stratégique dans les dynamiques de sécurité régionale et internationale. Cette importance découle de sa situation géographique sensible ainsi que de son imbrication dans des problématiques majeures telles que le terrorisme, les migrations irrégulières et les conflits internes persistants.
La Somalie, en proie à une instabilité institutionnelle chronique et à une crise sécuritaire prolongée, se trouve au centre de ces enjeux. Dans ce contexte, la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) a joué un rôle déterminant dans la lutte contre le groupe Al-Shabab et dans le soutien au processus de reconstruction de l’État somalien, en étroite coordination avec les Nations Unies et les partenaires internationaux.
Cependant, une décision prise sous l’administration du président Donald Trump a suscité de nombreuses interrogations : le refus de fournir un appui financier et militaire à la mission de paix de l’Union africaine en Somalie. Cette décision s’inscrivait dans la logique de la politique « America First », visant à réduire les engagements extérieurs des États-Unis et à recentrer les ressources sur les priorités nationales.
Par une décision qui a suscité de vives interrogations, le président américain Donald Trump a refusé d’apporter un soutien financier et militaire à la mission de maintien de la paix de l’Union africaine en Somalie. Cette décision s’inscrivait dans le cadre de la doctrine « America First », portée par son administration, et visait à réduire les engagements militaires extérieurs des États-Unis tout en recentrant les ressources sur les priorités nationales.
Le soutien américain à l’AMISOM constituait pourtant un pilier essentiel des efforts de stabilisation conduits par l’Union africaine pour appuyer le gouvernement somalien face aux menaces persistantes du groupe terroriste Al-Shabaab. En l’absence de ce soutien, la pression s’est accrue sur l’Union africaine et ses États membres, appelés à mobiliser des financements alternatifs afin d’éviter une dégradation de la situation sécuritaire en Somalie.
L’impact de cette décision dépasse le cadre d’un simple repositionnement stratégique : elle a profondément affecté l’architecture sécuritaire en Afrique de l’Est, affaibli les capacités opérationnelles des forces africaines sur le terrain, favorisé la résurgence des groupes armés, et exacerbé la méfiance entre Washington et ses partenaires africains.
Du « retrait » à la « marginalisation », cet article cartographie les répercussions du refus de l’administration Trump de soutenir la mission AMISOM, dans le but de mieux comprendre l’impact de la politique internationale sur la sécurité du continent et l’équilibre des pouvoirs dans l’une des régions les plus fragiles et les plus compétitives du monde.
Raisons du refus des États-Unis de soutenir la mission de l’Union africaine en Somalie :
1- Pression républicaine sur l’administration américaine pour qu’elle cesse de soutenir la mission de l’Union africaine en Somalie en raison des coûts financiers.
Plusieurs membres républicains du Congrès ont exprimé des réserves quant au coût du soutien financier accordé par les États-Unis aux missions militaires internationales, notamment celle de l’Union africaine en Somalie. À leurs yeux, ce financement n’était pas en adéquation avec les priorités économiques nationales, dans un contexte marqué par des difficultés budgétaires internes. À l’approche du vote sur le renouvellement de l’enveloppe budgétaire, les pressions exercées sur l’administration américaine se sont accentuées. Les élus républicains ont plaidé en faveur d’un désengagement progressif des États-Unis des conflits africains, estimant que les pays africains devaient assumer la pleine responsabilité de leur sécurité régionale (1).
2- Réévaluation du rôle sécuritaire des États-Unis en Somalie et doutes croissants sur l’efficacité du soutien de la mission de l’Union africaine.
Le rôle des États-Unis en Somalie a été réévalué à la lumière des nouveaux développements stratégiques. Les États-Unis ont déjà soutenu la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) en lui fournissant un financement et une formation importants pour l’aider à lutter contre Al-Shabaab. Cependant, des doutes se sont accrus quant à l’efficacité de ce soutien pour améliorer la stabilité à long terme en Somalie.
3- L’accent mis par l’administration Trump sur la réduction des dépenses étrangères dans le cadre de la politique « America First ».
Certains membres du Congrès américain considéraient que le financement des missions de maintien de la paix en Afrique ne générait pas de bénéfices durables pour la sécurité nationale des États-Unis. À leur sens, il n’incombait pas à Washington de supporter indéfiniment le coût de ces interventions, en particulier dans des zones susceptibles de rester instables malgré l’appui international. Par ailleurs, des factions du Parti républicain ont exercé des pressions sur l’administration Trump afin qu’elle évite toute nouvelle implication dans les conflits africains. Elles soutenaient que les États-Unis devaient plutôt inciter les pays africains à prendre en main leur propre sécurité, au lieu de s’appuyer de manière prolongée sur l’assistance américaine. (2)
4- Inquiétudes concernant les orientations de la politique étrangère du président somalien Hassan Sheikh Mahmoud et leur impact sur les relations avec les États-Unis.
L’un des motifs principaux du retrait du soutien américain à la mission de l’Union africaine en Somalie réside dans les préoccupations liées à l’orientation diplomatique du président somalien Hassan Sheikh Mahamoud. Certaines de ses déclarations, évoquant un rapprochement stratégique avec des puissances telles que la Russie et la Chine, ont suscité des réserves à Washington. Ces démarches ont été perçues comme contraires aux priorités de la politique étrangère américaine dans la région, qui repose sur la consolidation des alliances traditionnelles.
Répercussions de l’arrêt du soutien américain à la mission de l’Union africaine :
1- L’escalade rapide des activités d’Al-Shahab en Somalie
La cessation du soutien américain à la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) pourrait entraîner une expansion accrue des activités d’al-Shahab, considérées comme l’une des plus grandes menaces pour la sécurité en Somalie. Depuis que les États-Unis ont commencé à réduire leur soutien militaire et financier à la mission, des groupes armés comme al-Shahab ont commencé à exploiter le vide sécuritaire qui en résulte pour consolider leur influence dans diverses régions. Une augmentation récente des attaques du groupe a été observée, tant dans la capitale, Mogadiscio, que dans d’autres zones du sud et du sud-est du pays, reflétant l’affaiblissement de la capacité de l’AMISOM à contrer ces menaces.
De plus, la cessation du soutien américain impose un fardeau supplémentaire aux forces africaines en Somalie, qui pourraient ne pas disposer des capacités nécessaires pour contrer l’expansion des activités d’Al-Shahab. De plus, l’absence de soutien logistique et de renseignement américain complique la lutte contre les attaques complexes lancées par le groupe armé. Ce déclin du soutien pose un défi majeur aux efforts de lutte antiterroriste dans la région, alors que les stratégies antiterroristes sont reconsidérées face à la menace croissante d’Al-Shahab.
2- Le déficit financier croissant menacera la continuité des activités de maintien de la paix en Somalie.
Le retrait du soutien américain à la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) risque d’accentuer le déficit de financement des opérations de maintien de la paix dans le pays. Ce désengagement aura des répercussions directes sur la capacité opérationnelle de la mission, tant sur le plan sécuritaire que militaire. Les États-Unis figuraient parmi les principaux bailleurs de fonds, assurant notamment la couverture des coûts logistiques, de la formation, ainsi que des soldes des troupes déployées. En l’absence de cette contribution, l’AMISOM devra faire face à des contraintes budgétaires majeures, compromettant sa présence sur le terrain et sa capacité à faire face efficacement aux menaces, en particulier celle que représente le groupe Al-Shabab.
Le déficit de financement actuel met en péril la continuité des opérations sécuritaires dans les zones sensibles, augmentant le risque de reprise de territoires par des groupes armés. Ce déséquilibre budgétaire affecte également le moral des troupes, confrontées à une intensification des responsabilités malgré une réduction progressive des moyens disponibles. À défaut d’un soutien financier rapide de la part d’autres partenaires internationaux, la mission de l’Union africaine pourrait faire face à une crise existentielle profonde, susceptible d’entraîner une détérioration majeure de la situation sécuritaire en Somalie et dans la région(3)
Depuis le transfert de mandat de l’AMISOM à la nouvelle mission de transition de l’Union africaine en Somalie, celle-ci fait face à une crise financière aiguë, compromettant gravement sa capacité à remplir ses mandats sécuritaires et humanitaires. Cette situation découle d’un cumul de dettes estimées à près de 96 millions de dollars, essentiellement dues à des retards persistants dans le paiement des salaires du personnel et à l’incapacité de couvrir les coûts opérationnels liés aux activités de maintien de la paix.
Cette crise suscite de vives inquiétudes quant au fait que ces conditions financières pourraient entraver l’efficacité de la mission dans l’accomplissement de ses tâches essentielles, notamment au vu des défis sécuritaires croissants auxquels la Somalie est confrontée. Cette crise financière pourrait entraîner une réduction du champ d’action de la mission, voire la suspension de certaines de ses tâches, ce qui aurait un impact négatif sur les efforts de stabilisation régionale et internationale en Somalie(4).
3- La possibilité d’une escalade du conflit américano-européen sur le mécanisme de financement de la mission de maintien de la paix en Somalie.
La décision des États-Unis de suspendre leur soutien financier à la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) pourrait aggraver le conflit entre eux et leurs partenaires européens concernant le mécanisme de financement alternatif de la mission. Alors que Washington estime que les pays africains et les bailleurs de fonds régionaux devraient assumer une plus grande part du financement des opérations de maintien de la paix, les capitales européennes appellent à un partage coordonné et continu des charges afin de préserver la stabilité de la Somalie et de prévenir la montée des groupes armés. Cette divergence de positions a provoqué une rupture manifeste dans les cadres de coordination entre les deux parties et affectera la capacité de la communauté internationale à apporter une réponse unifiée.
Le différend dépasse la seule question du financement ; il reflète un clivage plus profond quant à la vision stratégique de la gestion des crises sécuritaires en Afrique. Tandis que l’Europe privilégie une approche multilatérale, en s’appuyant sur les cadres des Nations unies et de l’Union africaine, les États-Unis, quant à eux, optent pour une posture plus restrictive, marquée par un désengagement progressif et une réduction de leurs engagements internationaux. Ce contraste d’approches risque de compromettre la coordination des efforts internationaux visant à garantir la viabilité de la mission de l’Union africaine, soulevant ainsi de sérieuses interrogations sur l’avenir de la sécurité en Somalie et dans l’ensemble de la région.
4- Suggestions sur les mouvements croissants des puissances internationales concurrentes pour combler le vide américain en Somalie.
La cessation du soutien américain à la Mission de l’Union africaine en Somalie ouvrira la voie à des puissances internationales rivales qui pourraient prendre le relais et combler le vide laissé par le retrait américain. Certains pays, comme la Chine et la Russie, commenceront à étendre leur influence diplomatique et sécuritaire dans la Corne de l’Afrique, saisissant l’occasion d’offrir une aide militaire ou économique conditionnelle, cherchant ainsi à renforcer leur influence géopolitique.
Ces forces peuvent également recourir à divers outils, tels que les accords bilatéraux, l’assistance technique et le soutien au renseignement, pour s’assurer la loyauté des gouvernements locaux ou influencer le cours des opérations de maintien de la paix. Cette démarche suscitera des inquiétudes dans les capitales occidentales : le déclin du rôle des États-Unis pourrait affaiblir l’influence des alliances occidentales traditionnelles dans la région et ouvrir la voie à d’autres modèles de sécurité et de coopération politique, non soumis aux normes internationales habituelles. Ce vide devrait remodeler la carte de l’influence internationale en Somalie et, plus largement, dans la Corne de l’Afrique(5).
5- La menace croissante d’un effondrement complet de la gouvernance en Somalie après la cessation du soutien américain.
La cessation du soutien américain à la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) pourrait accentuer les pressions sécuritaires et politiques sur le gouvernement somalien, augmentant ainsi le risque d’un effondrement total de la gouvernance. Avec le retrait du soutien militaire et financier de l’un des principaux bailleurs de fonds internationaux, les groupes armés pourraient contrôler davantage de territoire en Somalie, menaçant ainsi la stabilité du gouvernement central. Cela pourrait aggraver la situation sécuritaire, constituant une menace réelle pour l’existence du gouvernement somalien et rendant difficile son maintien au pouvoir face à des défis croissants.
L’aggravation du chaos sécuritaire dans le pays pourrait empêcher le gouvernement somalien de fournir les services de base, aggravant ainsi les souffrances du peuple somalien. Si le contrôle sécuritaire s’affaiblit, le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays pourrait augmenter, tout comme le trafic d’armes, ce qui entraînerait une situation économique et humanitaire catastrophique. Ce scénario pourrait être considéré comme une menace directe pour la stabilité de la région dans son ensemble, rendant impérative une réévaluation de la politique internationale envers la Somalie afin de relever ce défi croissant.
En conclusion :
Le refus de l’administration Trump de soutenir la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) n’est pas une simple décision financière ou politique ; il aura de profondes répercussions sur la stabilité de la région dans son ensemble. Cette décision creusera le vide sécuritaire, favorisant une escalade des violences dans le pays, notamment de la part d’Al-Shabab, et exacerbe les divisions régionales et internationales. La tendance des États-Unis à réduire leur implication en Somalie a également démontré un déclin de leur influence, ouvrant la voie à des puissances internationales concurrentes pour dominer le dossier somalien. Alors que la Somalie cherche à relever ses défis sécuritaires et économiques, la question la plus importante demeure : comment parviendra-t-elle à rétablir la stabilité dans un contexte de marginalisation internationale croissante ?!
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*Ahmed Mounir, chercheur adjoint, Faculté d’économie et de sciences politiques, Université d’Alexandrie
Marges et Notes :
[1] – بعد قرار واشنطن: أزمة تمويل تضرب بعثة الاتحاد الإفريقي في الصومال، تقرير، 12 مايو 2025م، بوابة الحركات الإسلامية، على الرابط التالي: https://short-link.me/12kDT
[2] The crisis of multilateralism and African peace operations, https://short-link.me/Zk3c
[3] Impact of Trump 2.0 on Sub-Saharan Africa, https://short-link.me/Zk40
[4] – عملية عسكرية غرب الصومال ضد «الشباب».. و«أتميص» تحت سيف النقد الأمريكي، تقرير، 12 مايو 2025، العين الإخبارية، على الرابط التالي: https://short-link.me/12kET
[5] Will the US Leave the AU Peacekeeping Mission in Somalia Out on a Limb?, https://short-link.me/12kHe




