La région du Sahel, en Afrique, devient de plus en plus un foyer d’activités djihadistes, ce qui suscite des comparaisons avec le conflit syrien. Le Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM), branche d’Al-Qaïda au Sahel, est au cœur de cette évolution.
Pour évaluer si le scénario syrien pourrait se reproduire au Sahel, il est instructif de comparer le JNIM au Front al-Nosra syrien, aujourd’hui connu sous le nom de Front Fateh al-Cham.
Parallèles entre le JNIM et le Front al-Nosra
Le JNIM et le Front al-Nosra sont tous deux affiliés à Al-Qaïda et cherchent à s’intégrer aux insurrections locales. Le Front al-Nosra, créé en 2012, a cherché à se positionner comme un acteur clé de la guerre civile syrienne, avant de devenir le Front Fateh al-Cham en 2016 pour se démarquer d’Al-Qaïda et élargir son soutien.
De même, le JNIM, formé en 2017, est né de la fusion de plusieurs groupes, djihadistes du Sahel, dont Ansar Dine et Al-Mourabitoune, afin de consolider leurs efforts contre les gouvernements régionaux et les forces étrangères.
Les deux groupes ont fait preuve d’adaptabilité, nouant des alliances avec des factions locales et exploitant les vides de gouvernance. Le Front al-Nosra a collaboré avec divers groupes rebelles syriens, tandis que le JNIM s’est allié à des communautés locales et à des groupes ethniques, comme les Peuls, and Touareg pour étendre son influence au Mali, au Burkina Faso et au Niger.
Similitudes et différences de contexte opérationnel
Malgré ces similitudes, les environnements opérationnels en Syrie et au Sahel diffèrent considérablement. Le conflit syrien est caractérisé par une multitude d’acteurs, notamment des forces étatiques et non étatiques, avec une forte implication internationale. D’autre part, les mêmes partis qui étaient actifs sur la scène syrienne se sont déplacés vers le Sahel africain.
Actuellement, les gouvernements militaires des pays de la coalition du Sahel sont alliés à la Russie, hostiles aux puissances occidentales et dépendantes de la Russie pour leurs armes.
Il se dit également que les Iraniens sont impliqués et que de nombreux combattants qui combattaient aux côtés du régime d’Assad ont été transférés dans la région du Sahel pour combattre aux côtés des gouvernements militaires contre des groupes armés.
Il est bien connu que la présence de ces éléments régionaux et internationaux dans la région du Sahel préoccupe vivement les pays européens et les États-Unis, qui pourraient chercher des alliés locaux pour contrer l’influence de ces forces.
Dans le même temps, les pays du Sahel sont entrés dans des conflits politiques majeurs et des différends avec les grandes puissances régionales de la région, comme l’Algérie, et avec l’Organisation des États de l’Afrique de l’Ouest, représentée par le Nigeria.
Mais ces États régionaux ont aussi des calculs opposés. Il existe de nombreux obstacles, tant sécuritaires qu’historiques et ethniques, qui les empêchent d’interagir avec la cause de JNIM. La création de cette entité pourrait avoir un impact négatif sur leurs affaires intérieures, en particulier sur les composantes ethniques qui y prévalent.
Abandonner l’idéologie du djihad mondial
L’organisation mère des deux groupes, Al Nusra et JNIM, a été fondée sur l’idée du djihad mondial, qui consiste à frapper des cibles occidentales où qu’elles se trouvent.
Ces dernières années, Ahmad al-Sharaa a confirmé que son groupe avait abandonné cette idée, qu’il ne s’identifiait plus à aucune structure organisationnelle au sein de l’organisation mère et que son mouvement était un mouvement nationaliste opérant uniquement en Syrie contre le régime d’Assad.
Bien que les groupes du Sahel n’aient pas encore annoncé la dissolution de leurs liens avec le groupe parent, le chef du groupe, Al-Annabi, a confirmé dans un message privé répondant aux questions de France 24 qu’il opère uniquement dans la région du Sahel et ne représente aucune menace pour les pays occidentaux en dehors de cette zone géographique.
Potentiel d’un scénario de type syrien au Sahel
La possibilité que le Sahel suive la trajectoire de la Syrie dépend de plusieurs facteurs. Si le JNIM continue de renforcer ses liens avec les communautés locales et d’étendre son contrôle territorial, il pourrait mettre en place des structures de quasi-gouvernance, similaires à celles du Front al-Nosra dans certaines régions de Syrie. De plus, si les réponses régionales et internationales restent fragmentées, le JNIM pourrait s’enraciner davantage, compliquant ainsi la lutte antiterroriste.
Cependant, l’immensité géographique du Sahel et la diversité de son paysage sociopolitique compliquent la consolidation du pouvoir du JNIM. Contrairement à l’environnement plus urbanisé de la Syrie, la dispersion des populations et le manque d’infrastructures au Sahel pourraient entraver l’établissement d’un contrôle centralisé par un groupe isolé.
Conclusion
Bien qu’il existe des similitudes notables entre les activités du JNIM au Sahel et celles du Jabhat al-Nusra en Syrie, les différences significatives de contexte et d’environnement rendent également difficile de prédire si le scénario syrien se répétera. Cela dépendra des développements internationaux et régionaux et de la mesure dans laquelle JNIM pourra répondre à ces changements.
Toutefois, le risque d’instabilité accrue et d’enracinement des groupes djihadistes dans la région du Sahel demeure une préoccupation majeure, nécessitant des efforts régionaux et internationaux coordonnés pour relever les principaux défis liés à la gouvernance, au développement et à la sécurité.