Les auteurs identifient correctement l’influence croissante de la Russie en Afrique, citant les récents coups d’État dans des pays comme le Tchad, le Niger, le Burkina Faso, le Mali et le Soudan comme exemples où Moscou a étendu son empreinte grâce à un soutien militaire et économique. Ils soulignent l’utilisation stratégique par la Russie de mercenaires et l’exploitation des luttes postcoloniales de l’Afrique.
Cependant, la solution proposée — se concentrer sur le renforcement du soutien américain aux partenaires démocratiques et faire pression sur les nations penchées vers la Russie — reflète une continuation du paternalisme occidental que de nombreux pays africains rejettent de plus en plus.
Un défaut fondamental de l’article est son hypothèse que les pays africains doivent choisir entre l’influence occidentale et russe. Cette perspective binaire ignore le sentiment croissant parmi les élites et les citoyens africains qui plaident pour l’autodétermination et le développement de politiques indépendantes servant leurs propres intérêts nationaux.
Bien que les auteurs recommandent que les États-Unis soutiennent les réformes de gouvernance et les mesures anticorruption, celles-ci sont souvent assorties de conditions, nourrissant une perception de néocolonialisme.
Renforcer les Organisations Régionales pour l’Autosuffisance Africaine
Les pays africains sont pleinement conscients des limites et des pièges de l’influence externe, ayant vécu de première main les effets néfastes des interventions occidentales et soviétiques pendant la Guerre froide. Ces interventions ont souvent privilégié les intérêts stratégiques des puissances extérieures aux besoins de développement des nations africaines, entraînant des conflits prolongés, une instabilité économique et un sous-développement. L’héritage de ces interventions continue de façonner les paysages politiques et économiques de nombreux pays africains aujourd’hui.
De plus, l’article manque de recommandations concrètes permettant aux pays africains de développer leurs propres stratégies pour la stabilité économique et politique. Par exemple, au lieu de simplement fournir une aide conditionnée par des réformes politiques, les États-Unis pourraient investir dans des projets de développement dirigés par les Africains qui renforcent les capacités locales et créent une croissance durable.
Cette approche favoriserait de véritables partenariats plutôt que des relations transactionnelles basées sur la concurrence géopolitique.
L’Union africaine (UA) et les communautés économiques régionales (CER) comme la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ont démontré un potentiel considérable pour relever les défis du continent. Ces organisations ont réussi à médiatiser des conflits, à promouvoir la gouvernance démocratique et à faciliter l’intégration économique régionale.
Soutenir ces initiatives africaines non seulement renforcerait l’autonomie du continent, mais s’alignerait également sur les principes de subsidiarité et d’autodétermination.
Un autre oubli critique est l’absence de traitement des causes profondes de l’instabilité et de l’attrait du soutien russe. Les auteurs mentionnent que les programmes de formation militaire occidentaux au Sahel ont parfois conduit à des violations des droits de l’homme et à des coups d’État, mais ils n’offrent pas de cadres alternatifs qui priorisent l’autonomie africaine en matière de sécurité.
Donner aux organisations régionales comme l’Union africaine le rôle principal dans le maintien de la paix et la résolution des conflits pourrait être une stratégie plus efficace. Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine a déjà joué un rôle important dans la résolution des conflits sur le continent, notamment en Somalie, au Soudan et en République centrafricaine.
Renforcer la capacité du CPS et soutenir les missions de maintien de la paix dirigées par les Africains fournirait une approche plus durable et contextuellement appropriée pour la sécurité dans la région.
En outre, l’article ne prend pas suffisamment en compte les dimensions économiques de l’autosuffisance africaine. Alors que la Russie tire parti de sa présence dans les industries extractives, l’accent devrait être mis sur l’aide aux pays africains pour construire des économies diversifiées moins susceptibles de manipulation.
Cela implique de soutenir le développement des énergies renouvelables, d’améliorer la productivité agricole et de promouvoir le commerce intra-africain à travers des initiatives comme la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). En réduisant les barrières commerciales et en promouvant les chaînes de valeur régionales, la ZLECAf peut aider à diversifier les économies, à réduire la dépendance aux marchés externes et à renforcer la résilience économique et le développement durable.
De plus, l’accent mis sur la lutte contre la corruption et les réformes de gouvernance, bien que important, ne devrait pas éclipser la nécessité de l’autonomisation économique et de la création d’emplois. Le chômage élevé des jeunes et la marginalisation économique sont des moteurs majeurs de l’instabilité au Sahel et dans d’autres parties de l’Afrique. Investir dans l’éducation, la formation professionnelle et l’entrepreneuriat peut offrir aux jeunes les compétences et les opportunités dont ils ont besoin pour contribuer au développement de leurs pays et résister à l’attrait de l’extrémisme et des réseaux criminels.
En outre, l’accent mis par les auteurs sur la mise en lumière des méfaits russes et la publicité des informations accablantes collectées par les militants et les journalistes risque de renforcer un récit négatif qui sape l’autonomie africaine. Plutôt que de se concentrer uniquement sur les lacunes des acteurs externes, la communauté internationale devrait également célébrer et soutenir les succès et les innovations africaines.
Il existe de nombreux exemples de pays africains réalisant des progrès significatifs en matière de gouvernance, de développement économique et de progrès social. Mettre en avant ces réussites peut fournir des leçons précieuses et inspirer d’autres pays à poursuivre des voies similaires.
Par ailleurs, la recommandation de l’article pour que les États-Unis se retirent et permettent à l’attrait de la Russie de s’estomper d’elle-même peut être irréaliste, étant donné la dynamique complexe des relations internationales. Il est essentiel de reconnaître que les pays africains ne sont pas de simples récipiendaires passifs de l’influence externe mais des acteurs actifs dans l’arène mondiale.
Ils cherchent de plus en plus à diversifier leurs partenariats et à s’engager avec une gamme d’acteurs, y compris la Chine, l’Inde et les États du Golfe, pour faire avancer leurs intérêts nationaux. Par conséquent, une approche plus nuancée et flexible est nécessaire, une qui respecte l’autonomie africaine et soutient les aspirations du continent à l’autosuffisance et au développement durable.
Le Moyen-Orient et l’Inde, par exemple, ont montré un intérêt croissant pour l’Afrique, investissant dans divers secteurs et forgeant des partenariats stratégiques. Ces engagements sont souvent caractérisés par un respect mutuel et un accent sur la coopération économique, ce qui contraste avec l’approche souvent prescriptive des pays occidentaux. Les pays africains peuvent tirer parti de ces relations pour améliorer leurs perspectives de développement et réduire leur dépendance à l’égard d’un seul acteur externe.
En fin de compte, la clé pour contrer l’influence externe en Afrique réside dans l’autonomisation des pays africains pour qu’ils prennent le contrôle de leur propre destin. Cela signifie soutenir leurs efforts pour construire des institutions résilientes, développer des économies diversifiées et favoriser l’intégration régionale. Cela signifie également respecter leur droit de choisir leurs propres chemins et partenaires, sans pression ou ingérence excessive de la part des puissances extérieures.
Conclusion: Respecter et Soutenir l’Autosuffisance Africaine
En conclusion, bien que Wehrey et Weiss fournissent une analyse détaillée de l’influence croissante de la Russie en Afrique et des défis qu’elle pose aux intérêts américains, leurs recommandations ne permettent pas aux nations africaines de tracer leur propre voie. Une stratégie plus efficace consisterait à soutenir les initiatives dirigées par les Africains, à favoriser la diversification économique et à promouvoir la coopération régionale sans imposer des conditions centrées sur l’Occident.
Il est temps pour les États-Unis de reconnaître que les pays africains ne sont pas de simples pions dans un jeu d’échecs géopolitique mais des nations souveraines capables de déterminer leur propre destin. En adoptant une approche plus respectueuse et solidaire, les États-Unis peuvent contribuer à une Afrique plus prospère, stable et autosuffisante, ce qui est dans le meilleur intérêt à la fois de l’Afrique et de la communauté internationale.