Les soldats de la paix de l’ONU, qui ont reçu l’ordre des dirigeants du pays de quitter le Mali, ont été contraints de se retirer précipitamment, de détruire le matériel laissé sur place et de risquer leur vie en s’enfuyant.
À la suite d’un coup d’État en 2020, les nouveaux dirigeants militaires ont ordonné en juin le départ des soldats de maintien de la paix, proclamant « l’échec » de leur mission et dénonçant sa prétendue « instrumentalisation » de la question des droits de l’homme.
Voici un aperçu de cette opération à grande échelle et risquée, qui met fin à 10 années d’efforts pour tenter de stabiliser un pays en proie au djihadisme et à de nombreuses autres crises.
Séparatistes et djihadistes
La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), dont l’effectif oscille autour de 15 000 soldats et policiers, a vu 180 de ses membres tués.
Selon le dernier bilan de la force, publié vendredi, 5 817 membres du personnel de la MINUSMA ont quitté les forces cette semaine.
Le plan initial était que la force de maintien de la paix se retire de ce pays d’Afrique de l’Ouest d’ici la fin de l’année, mais les troupes de l’ONU ont déjà quitté leurs complexes les unes après les autres, les premiers retraits remontant à juillet.
Le retrait de la MINUSMA a exacerbé les rivalités entre les groupes armés présents dans le nord du pays et l’État malien.
Ces groupes ne veulent pas que les camps de l’ONU soient rendus à l’armée malienne, affirmant qu’une telle décision contreviendrait au cessez-le-feu et aux accords de paix conclus avec Bamako en 2014 et 2015.
Cependant, l’armée fait pression pour reprendre le contrôle des camps évacués.
Les groupes séparatistes à majorité touareg qui s’opposent à l’armée ont repris les hostilités contre elle.
Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, a également intensifié ses attaques contre l’armée.
Cela signifie que le retrait de la MINUSMA est d’autant plus périlleux qu’il intervient dans le contexte de cette reprise des hostilités – et de ce qui est perçu comme des restrictions imposées par les autorités à sa capacité de manœuvre.
Des Casques bleus attaqués
Après avoir quitté cinq camps depuis août, la MINUSMA a achevé dimanche son « retrait accéléré » de Tessalit, dans la région du nord de Kidal.
Elle l’a fait, dit-elle, dans un contexte sécuritaire « extrêmement tendu et dégradé » qui « mettait en danger la vie de son personnel ». Dans les jours qui ont précédé le retrait, des coups de feu ont été tirés sur son avion cargo et sur ses positions.
Une partie du contingent, essentiellement tchadien, est repartie par avion. Mais les autres ont été contraints de se rendre à Gao par voie terrestre, à travers plus de 500 kilomètres de désert, sous la menace constante des groupes armés.
Le retrait d’Aguelhok le lendemain s’est déroulé dans des conditions similaires et les autorités n’ont pas donné d’autorisation pour les vols.
Selon la MINUSMA, les convois en retrait ont été attaqués par des engins explosifs, faisant des blessés. Le GSIM a revendiqué la responsabilité.
Et jeudi, un convoi logistique reliant Ansongo à Labbezanga dans la région de Gao a essuyé des tirs. Trois chauffeurs de camion civils ont été blessés, dont un grièvement, a indiqué la MINUSMA.
Matériel abandonné
La force de maintien de la paix de l’ONU affirme avoir dû détruire ou mettre hors service des équipements tels que des véhicules, des munitions et des générateurs qu’elle n’était pas en mesure d’emporter, conformément aux règles de l’ONU.
De telles pertes de matériel « auraient pu être évitées » si 200 camions n’avaient pas été bloqués à Gao depuis le 24 septembre par les restrictions que leur ont imposées les autorités, a indiqué la MINUSMA.
Des camions-citernes destinés à ravitailler les convois sont également bloqués à Gao.
« Les douaniers ont expliqué que la quantité de carburant n’était pas justifiée », a indiqué un responsable de la mission.
Un policier malien basé à Gao a affirmé que les autorités craignaient que la MINUSMA « livre du carburant aux jihadistes ».
Une telle allégation, fondée sur aucune preuve, reflète la méfiance entre la MINUSMA et les dirigeants militaires du Mali.
Pression sur les dirigeants maliens
Une note confidentielle adressée au Conseil de sécurité de l’ONU par le Département des opérations de paix, consultée par l’AFP, expose les obstacles rencontrés par la MINUSMA. Elles comprenaient le refus de permis de vol ou de voyage, un embargo sur les importations dont il avait besoin et l’impossibilité d’effectuer des patrouilles de sécurité autour de ses propres camps.
Dans cette optique, la MINUSMA a élaboré un plan B pour son retrait, incluant des mesures de dernier recours.
Le porte-parole du gouvernement malien, le colonel Abdoulaye Maiga, a accusé l’ancien allié de la France, également expulsé du pays, de n’épargner « aucun effort pour faire fuir la MINUSMA ».
En accélérant son retrait, la force de maintien de la paix de l’ONU bouleverse les plans de l’armée malienne, qui ne veut pas laisser les indépendantistes combler le vide.
« La junte a pris la décision d’exclure la Minusma, mais elle se voit imposer le rythme du retrait », a déclaré Jonathan Guiffard, spécialiste de l’Afrique et des questions de défense à l’Institut Montaigne, à Paris.
Les tensions devraient monter
Les tensions devraient encore s’intensifier à Kidal après le départ de l’ONU
La région est le fief de la rébellion touarègue et un enjeu de souveraineté majeur.
Alors que le départ définitif de Kidal était initialement prévu pour la seconde moitié du mois de novembre, un responsable de la MINUSMA a récemment déclaré que ce ne serait peut-être qu’une question de jours avant le départ des casques bleus.
Le personnel non essentiel a été le premier à partir.
« Nous n’allons pas rester les bras croisés et mettre nos troupes en danger », a déclaré un officier tchadien.