L’impact de La Guerre Russo-Ukrainienne Sur Le Développement Durable en Afrique

Alors que les pays d’Afrique luttent déjà pour se remettre des effets d’une pandémie mortelle et de l’aggravation de la crise climatique qui plonge les Africains dans la pauvreté, leurs relations étrangères avec l’Ukraine et la Russie auront sans aucun doute des répercussions sur le continent. La principale question est de savoir à quel point le choc sera violent, et quelles actions à entreprendre pour y faire face.

Qui est le plus touché et pourquoi?

Citoyens vulnérables & Sécurité alimentaire

Si l’on considère les citoyens vulnérables, l’impact immédiat est déjà ressenti par les Africains et les étudiants pris dans la guerre en Ukraine. Les rapports faisant état de racisme et de discrimination à l’égard des Africains qui cherchaient à fuir la violence ont ébranlé le monde quelques jours seulement après le début de la guerre.

L’impact moins immédiat se fera sentir sur les citoyens qui se trouvent sur le continent africain et qui verront probablement une augmentation de l’insécurité alimentaire, car l’Ukraine et la Russie sont toutes deux de grands exportateurs de pétrole, de blé et de maïs.

Cela risque de mettre à mal les systèmes alimentaires de certains pays d’Afrique, notamment ceux qui dépendent largement de l’agriculture pour nourrir leurs citoyens, mais aussi pour gérer leur économie. Cette situation peut également entraîner une hausse des prix des denrées alimentaires et menacer la sécurité alimentaire sur le continent.

Le secrétaire d’État à l’agriculture du Kenya, Peter Munya, a souligné ce problème lorsqu’il s’est adressé au parlement du pays le 1er mars. Il a fait remarquer que le pays se procure la plupart de ses engrais en Russie et en Chine, et que le prix des engrais pourrait augmenter de façon spectaculaire (7000 shilling pour un sac de 50 Kg) si aucune subvention n’était mise en place.

Économies

Les céréales et les engrais ne sont pas les seuls facteurs préoccupants lorsqu’il s’agit de savoir comment la guerre va affecter l’Afrique et ses citoyens.

Les importateurs africains de pétrole vont également ressentir les effets de la flambée des prix du pétrole sur leurs comptes courants. Le carburant est généralement la principale importation, de sorte qu’une hausse des prix a un effet important sur la facture énergique et, par conséquent, sur la balance commerciale et les comptes courants.

Les importations de pétrole représentaient 17 à 20 % des importations au Nigeria, au Kenya, en Égypte et au Ghana en 2019. Ce ratio a tendance à augmenter lorsque le prix du pétrole augmente. En conséquence, nous nous attendons à ce que les déficits des comptes courants soient sous pression et se creusent dans les pays importateurs de pétrole.

Les craintes sont également nombreuses que la guerre ne provoque une flambée de la dette africaine. L’une des principales choses que pouvons constater, c’est que le resserrement des conditions de financement extérieur a vraiment provoqué une recrudescence des inquiétudes concernant la situation de la dette en Afrique dans les pays qui connaissent déjà des problèmes.

Diplomatie et géopolitique

La crise aura également des ramifications diplomatiques. Lors d’un vote à l’Assemblée générale des Nations unies condamnant l’invasion russe, 28 pays africains (51 %) ont voté pour, 17 se sont abstenus (31 %), un a voté contre et 8 pays africains n’étaient pas présents dans la salle.

Le continent reste marqué par les divisions de la guerre froide, et continuera d’être une arène où les superpuissances jouent leurs rivalités. La crise ukrainienne renforce cette tendance et impliquera des pressions pour que les pays africains choisissent leur camp.

Cette situation sera également surveillée de près par la Chine. Il est dans l’intérêt des Africains d’éviter de telles pressions, en invoquant leur priorité de mobiliser autant de soutien que possible auprès de tous les partenaires.

De même, l’Afrique est de plus en plus utilisée par de nouveaux acteurs comme terrain pour des guerres par procuration.

La Russie est entrée sur le terrain et cherchera probablement à étendre son influence. L’ONU et d’autres institutions connaîtront des perturbations majeures qui affaibliront les fragiles acquis de l’Afrique sur le front multilatéral.

D’autre part, des informations ont fait surface le 2 mars, selon lesquelles la guerre entre la Russie et l’Ukraine pourrait perturber l’achèvement d’un grand projet sidérurgique au Nigeria, l’aciérie d’Ajaokuta, d’une valeur de 8 milliards de dollars, qui a été retardé pendant 40 ans.

Bien qu’il soit encore tôt, l’effet domino des sanctions mondiales contre la Russie et les retombées de la guerre se répercuteront sans aucun doute sur le continent.

Quel est le lien avec la mission d’éradication de l’extrême pauvreté et de ses causes systémiques ?

L’impact de la guerre sur l’Afrique affecte directement l’objectif mondial 2 des Nations unies, qui vise à éradiquer la faim dans le monde.

Le manque d’accès aux céréales et l’augmentation des prix des denrées alimentaires et du pétrole risquent également d’enfoncer davantage les citoyens africains dans la pauvreté. Sans compter que les prix alimentaires mondiaux sont déjà les plus élevés depuis 2011, ce qui signifie que la guerre ne peut qu’aggraver les choses pour la sécurité alimentaire et la stabilité économique sur le continent.

L’invasion de la Russie en Ukraine aura également une incidence sur l’objectif mondial 8, qui appelle à une croissance économique durable et à l’emploi, pour les pays africains. Et ce, non seulement en raison de l’impact potentiel de la guerre sur l’agriculture, lié à l’accès aux engrais, mais aussi en raison de la nécessité pour l’Afrique d’assurer le service de sa dette.

Selon le New York Times, le conflit aura probablement un impact turbulent sur l’économie mondiale – en augmentant les taux d’intérêt et en réduisant l’accès au crédit.

Qu’est-ce que cela signifie pour les pays africains ?

Les gouvernements qui ont besoin de crédits pour gérer leurs dettes devront dépenser beaucoup plus que prévu pour en assurer le service. Cela aura un effet d’entraînement sur le reste des besoins des pays, car cela risque de limiter les budgets nationaux essentiels alloués à d’autres chantiers comme les soins de santé (objectif global 3), l’éducation (objectif global 4), l’emploi et d’autres investissements publics. Ces mêmes budgets nationaux, et les économies africaines en général, ont déjà été mis à rude épreuve par la pandémie.

En bref, on devrait s’attendre à ce que les taux de famine augmentent et à ce que les économies africaines se remettent encore plus difficilement du choc économique que leur a infligé la pandémie de COVID-19.

Quelles actions à entreprendre pour faire face aux répercussions

Face à ces nombreuses répercussions défavorables que la guerre ait sur plusieurs pays du continent africain, les gouvernements sont tenus de réagir rapidement et pertinemment pour atténuer le choc. Ceci dit, prévoir une batterie de mesure qui répondra aux nouveaux défis, notamment en matière de la sécurité alimentaire, la soutenabilité des économies et les rapports géopolitiques.

De ce fait, les pays africains les plus touchés doivent envisager à soutenir le pouvoir d’achat de leurs citoyens vulnérables en subventionnant les agriculteurs de façon à préserver relativement la stabilité des prix des produits alimentaires. Ceci implique une reconfiguration de leurs budgets nationaux dans l’objectif de les adapter aux priorités qu’impose la conjoncture économique mondiale.

De même, les gouvernements devraient réagir intelligemment sur le plan diplomatique, car celui conditionne directement l’aspect économique. En d’autres termes, ces pays africains en forte besoin de financement pour maintenir les équilibres macroéconomiques, notamment en matière des comptes courants, auront certainement besoin de recourir aux subventions mondiales et aux lignes de crédits. Celles-ci dépendent fortement du camp et du positionnement choisis par rapport au conflit Russie-Ukraine, qui devient au fil des jours un conflit Russie-occident.