Un an après qu’un accord ait ramené la paix dans la région du Tigré, les combats et les atrocités contre les civils se poursuivent dans le nord de l’Ethiopie, a déploré jeudi Human Rights Watch (HRW), appelant la communauté internationale à ne pas « détourner le regard ».
Le 2 novembre 2022, le gouvernement fédéral éthiopien et les autorités du Tigré, rebelles deux ans plus tôt, mettent fin à Pretoria à l’un des conflits les plus meurtriers de la planète, avec plusieurs centaines de milliers de morts et d’innombrables atrocités.
« Les gouvernements qui soutiennent la trêve fragile en Ethiopie ne peuvent pas détourner le regard alors que les crises s’intensifient » dans le pays, et que « les civils continuent d’être les principales victimes des atrocités », a déclaré Laetitia Bader, directrice Afrique de HRW, dans un communiqué.
L’accord a permis d' »énormes progrès » au Tigré – fin des combats, retour de l’aide humanitaire et rétablissement progressif des services de base – mais « les combats se sont intensifiés dans d’autres régions du pays, où les anciens auteurs d’exactions répètent les mêmes exactions en toute impunité », a poursuivi Mme Bader.
L’accord de Pretoria a rompu l’alliance entre le gouvernement fédéral et les forces Amhara qui l’avaient soutenu au Tigré. Les tensions ont dégénéré en conflit ouvert dans la région d’Amhara en avril, suite à une tentative de désarmement de l’armée fédérale.
L’état d’urgence a été déclaré en août et le conflit s’est accompagné de « centaines de victimes civiles, d’arrestations massives d’Amhara et de dégâts aux infrastructures civiles », note HRW.
Les autorités éthiopiennes recourent aux mêmes « tactiques répressives » utilisées lors du conflit du Tigré, restreignant l’accès aux journalistes et observateurs et bloquant Internet, tandis que l’accès au réseau mobile est intermittent dans les zones de combat, poursuit l’ONG de défense des droits de l’Homme. Les troupes du Tigré et de l’Érythrée – qui sont intervenues en soutien à l’armée éthiopienne et sont toujours présentes dans les zones frontalières – continuent de « commettre des meurtres, des violences sexuelles, des enlèvements et des pillages, et d’entraver l’aide humanitaire », selon HRW.
Dans la partie occidentale de la région, qu’elles refusent d’évacuer malgré l’accord, les forces Amhara – dont les milices Fano – « poursuivent une campagne de nettoyage ethnique en expulsant par la force les Tigréens » de cette zone « largement inaccessible » acteurs humanitaires, poursuit HRW.
L’accord de Pretoria « manque de précisions sur la répression des crimes commis, notamment sur le type de mécanismes d’enquête en vue de poursuites futures », déplore HRW, sceptique sur le processus de « justice transitionnelle » promise par Addis-Abeba.
L’ONG déplore également « l’inaction » des Etats membres du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui a conduit en septembre à la fin du mandat d’une commission d’enquête de l’ONU, « malgré la nécessité évidente de maintenir des enquêtes indépendantes et un contrôle international ».