Le nouveau Premier ministre de transition au Mali, Choguel Kokalla Maïga, est décrit comme un « animal politique » au parcours sinueux. Il vient d’être appelé par le nouveau président de la transition, le colonel Assimi Goïta, qu’il critiquait encore récemment à diriger le gouvernement d’un pays meurtri. Âgé de 63 ans, Choguel Kokalla Maïga a été nommé ce lundi par décret présidentiel par le colonel Assimi Goïta, lui-même investi chef de l’État quelques heures plus tôt, deux semaines après son deuxième coup d’État en neuf mois. Avec un groupe de colonels, Assimi Goïta a d’abord renversé le 18 août 2020 le président Ibrahim Boubacar Keïta, puis il a écarté le 24 mai le président et le Premier ministre de la transition censée ramener les civils au pouvoir début 2022.
Un acteur politique majeur et clivant
Fort d’une carrière de plus de 30 ans, Choguel Kokalla Maïga est un « animal politique », une personnalité « clivante », mais aussi, « qu’on le veuille ou non, un stratège », estime le rédacteur en chef du site d’information malien Benbere, Bokar Sangaré. D’ancien supporteur du dictateur Moussa Traoré (1968-1991), à l’allié des militaires aujourd’hui, Choguel Kokalla Maïga aura aussi soutenu et été le ministre du président Keïta avant d’en devenir un détracteur virulent.
Après avoir étudié les télécommunications en Union soviétique dans les années 1970, il a occupé divers postes à la Société des télécommunications du Mali (Sotelma). Il débute en politique au sein de la formation de Moussa Traoré et, après le renversement du dictateur par un mouvement populaire en 1991, il se réclame à l’inverse d’une immense majorité de la classe politique d’aujourd’hui de son héritage.
Une mission délicate et urgente
Ces dernières années, Choguel Kokalla Maïga a aussi régulièrement critiqué l’accord de paix signé en 2015 entre l’ex-rébellion du Nord et le camp pro-Bamako, dont l’application reste très partielle. Le nouveau Premier ministre aura dans un laps de temps très court la délicate tâche de former une nouvelle équipe gouvernementale aussi consensuelle que possible, lui qui était plutôt versé ces dernières années dans les petites phrases assassines envers le pouvoir. Choguel Maïga doit sous travailler sur un programme précis avec le Conseil national de Transition (CNT), organe législatif de la Transition dont il réclamait, il y a encore peu la dissolution.
Le nouveau chef du gouvernement est une figure du Mouvement du 5-Juin/Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), coalition hétéroclite d’opposants politiques, de chefs religieux et de membres de la société civile, qui a orchestré en 2020 la contestation contre le président Keïta, parachevée par le putsch. Marginalisé par la junte et tenu à l’écart des organes de la transition pendant des mois, le M5-RFP, Choguel Maïga en tête, a alors dirigé ses flèches contre le colonel Goïta et son groupe d’officiers, véritables détenteurs du pouvoir.
En décembre, il qualifiait les institutions de la transition de « régime militaire déguisé ». Mais cinq mois plus tard, la proposition d’Assimi Goïta d’octroyer le poste de Premier ministre au M5-RFP lui est allée « droit au cœur », a-t-il confié après le second coup d’État, quitte à se démarquer du M5-RFP. Avant même d’accéder à ses nouvelles fonctions, il a cherché à rassurer les signataires de cet accord et les partenaires du Mali, affirmant que son pays respecterait ses engagements internationaux, tout en avertissant que « les invectives, les sanctions, les menaces ne feront que compliquer la situation ». Comme opposant, Choguel Kokalla Maïga appelait à un « changement total du système » et à une « refondation de l’État ». Il va enfin pouvoir « se mettre à l’ouvrage », mais il reste à voir s’il « aura les coudées franches » face aux militaires, estime le politologue Boubacar Haïdara.