Le gouvernement éthiopien a annoncé mercredi que les principales villes de la région nord d’Amhara avaient été « libérées », après plusieurs jours de combats meurtriers entre l’armée fédérale et les milices locales.
Des habitants interrogés par l’AFP ont également fait état de l’avancée des forces éthiopiennes.
La Direction générale de l’état d’urgence, un organisme gouvernemental, a par la suite affirmé que six grandes villes amhara avaient été « libérées de la menace des bandits »: la capitale régionale Bahir Dar, Lalibela, Gondar, Shewa Robit, Debre Berhan et Debre Markos. Un couvre-feu a été imposé dans les six villes.
Aucun chiffre officiel sur les combats n’a été publié, mais deux médecins de Baher Dar et de Gondar ont signalé que de nombreux civils avaient été tués ou blessés.
Le gouvernement a déclaré vendredi l’état d’urgence pour six mois, à la suite d’une recrudescence de la violence dans cette partie du deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, neuf mois seulement après la fin d’un conflit dévastateur dans la région voisine du Tigré.
Les troupes amhara, y compris les «forces spéciales» régionales et la milice nationaliste Fano, ont été des alliés clés du gouvernement pendant la guerre entre novembre 2020 et novembre 2022.
Mais ils sont en désaccord avec les autorités fédérales depuis avril, après que le Premier ministre Abiy Ahmed a annoncé son intention de dissoudre ces « forces spéciales », unités paramilitaires créées par de nombreux Etats de la région au cours des quinze dernières années. Les nationalistes amhara y voient une tentative d’affaiblir leur région.
Après plusieurs jours d’affrontements, cependant, les forces fédérales semblent avoir repoussé les combattants. Mardi soir, le gouvernement Amhara a annoncé le retour « d’une paix et d’une stabilité relatives », et mercredi, la Direction générale de l’état d’urgence a déclaré que les forces fédérales étaient « en train de disperser » les combattants de la milice.
L’accès à la région étant restreint, il n’est pas possible de vérifier de manière indépendante la situation sur le terrain.
Réservoirs
Plus tôt dans la journée, des habitants contactés par l’AFP ont rapporté que des combattants de Fano avaient été repoussés par l’armée à Gondar et Lalibela, un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco pour ses anciennes églises creusées dans le roc.
« Les choses semblent changer aujourd’hui », a déclaré Simachew, un conducteur de tuktuk à Gondar. « L’ENDF (armée) a pris le contrôle de la plupart des quartiers de la ville après de violents combats ces derniers jours ».
« L’engagement a été soutenu par des chars et des véhicules blindés qui sont toujours dans la ville », a-t-il poursuivi, affirmant que « les Fano ont été repoussés dans un seul quartier », où les combats « se poursuivent ».
A Lalibela, « les Fano ont quitté la ville et se trouvent dans la forêt environnante », a déclaré Ayalew, un habitant du quartier.
Ethiopian Airlines a annoncé qu’elle reprendrait ses vols vers Bahir Dar et Gondar jeudi. Les services vers les aéroports de Lalibela et Dessie restent suspendus.
Civils tués
A Gondar, un médecin de l’hôpital universitaire a indiqué à l’AFP que depuis vendredi, « une vingtaine » de civils étaient morts « après être arrivés à l’hôpital ».
« Plus de 190 (autres) personnes ont été blessées et transportées à l’hôpital, pour la plupart des civils », a-t-il ajouté sous couvert d’anonymat.
« Nous manquons de nourriture et de médicaments (…) Des patients meurent par manque d’oxygène et de sang », a-t-il souligné.
À Bahir Dar, un médecin de l’hôpital Felege Hiwot a déclaré que l’établissement avait reçu 140 civils blessés, dont 10 étaient décédés.
Les ambulances ne circulent plus à cause des combats, et « les gens viennent ici à pied avec leurs familles, qui les portent sur leurs épaules à leurs risques et périls », a-t-il expliqué.
L’ONG Save the Children a alerté mercredi sur les dangers pour les civils.
« Nous appelons les belligérants à donner la priorité à la sécurité des civils et à permettre à l’aide humanitaire d’atteindre ceux qui en ont besoin, dont 580.000 personnes déjà déplacées par le précédent conflit » au Tigré, a exhorté son directeur en Ethiopie, Xavier Joubert, dans un communiqué.
Dimanche, l’Organisation mondiale de la santé a appelé à « un accès et une protection ininterrompus du système de santé à Amhara », afin qu’elle et ses partenaires « puissent continuer à y travailler ».
A Addis-Abeba, la capitale fédérale, le journaliste Bekal Alamirew a été arrêté dimanche à son domicile et est toujours en prison, a indiqué un proche à l’AFP.