Deux anciens policiers de l’époque de l’apartheid en Afrique du Sud ont été reconnus coupables du meurtre de Caiphus Nyoka, leader étudiant et militant, près de quarante ans après les faits. Cette affaire met en lumière les efforts renouvelés pour faire face aux crimes non résolus de l’ère de la minorité blanche.
Un juge de la Haute Cour du Gauteng, à Johannesburg, a reconnu coupables mardi Abraham Engelbrecht et Pieter Stander, tous deux sexagénaires, du meurtre de Nyoka en 1987. Leur peine sera prononcée ultérieurement. Un troisième ancien policier a été acquitté.
L’affaire a été rouverte après les aveux publics de Johan Marais, ancien membre de l’Unité de réaction de la police de l’apartheid, en 2019. Marais a plaidé coupable plus tôt cette année et a été condamné à 15 ans de prison.
Nyoka, alors jeune militant local, a été abattu à son domicile familial près de Johannesburg aux premières heures du matin. Un rapport d’autopsie de 1988 et des documents judiciaires indiquent qu’il a reçu au moins douze balles. Les constatations médico-légales suggèrent qu’il a été touché une première fois alors qu’il était assis dans son lit, puis à plusieurs reprises après être tombé.
Les policiers impliqués dans le raid ont été blanchis en 1987 après avoir invoqué la légitime défense – une tactique courante sous l’apartheid pour soustraire les forces de sécurité à toute responsabilité dans les assassinats politiques.
L’affaire a refait surface en 1997, lorsque la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) d’Afrique du Sud a examiné la mort de Nyoka. Mais aucun policier ne s’est présenté pour assumer sa responsabilité ni pour demander l’amnistie. La CVR a recensé des milliers de meurtres, de disparitions et de cas de torture à motivation politique et a recommandé des centaines de poursuites, mais très peu ont abouti.
La pression renouvelée des familles et de la société civile a incité les autorités sud-africaines à rouvrir les dossiers en suspens datant de l’apartheid. En octobre, une nouvelle enquête sur la mort d’Albert Luthuli, ancien président du Congrès national africain (ANC), en 1967, a conclu qu’il avait probablement été battu à mort par la police de sécurité, infirmant ainsi une conclusion datant de l’apartheid selon laquelle il serait mort heurté par un train.
Les autorités ont également annoncé leur intention de rouvrir l’enquête sur la mort de Steve Biko, figure emblématique de la lutte anti-apartheid, décédé en 1977 en garde à vue après avoir été violemment battu, un décès qui avait suscité l’indignation internationale.
Une enquête distincte examinera les allégations selon lesquelles les gouvernements successifs de l’après-apartheid auraient délibérément entravé les poursuites liées aux meurtres commis durant cette période.
La condamnation de Nyoka constitue l’une des rares condamnations pour meurtre liées aux exactions commises sous l’apartheid et pourrait annoncer une volonté plus large de s’attaquer aux crimes non résolus qui hantent l’Afrique du Sud depuis des décennies.




