L’armée malienne se dirige vers le nord et la région de Kidal, fief de la rébellion séparatiste, une opération risquée qui pourrait présager un affrontement majeur et constituer un tournant après une décennie de conflit.
Un important convoi de l’armée malienne a quitté Gao lundi en direction de la région de Kidal, à plus de 24 heures de route de la capitale. Sa destination première serait les localités de Tessalit et Aguelhok, au nord de Kidal, dans le but de prendre le contrôle des camps de la mission de l’ONU (MINUSMA).
La MINUSMA doit quitter le pays sur ordre de la junte. Son départ et la remise de ses camps, à commencer par celui de Ber à la mi-août, sont perçus comme un facteur primordial dans la reprise des hostilités par les indépendantistes.
Dans le bras de fer entre une multitude d’acteurs armés pour le contrôle du territoire, les séparatistes estiment que les droits de l’ONU doivent revenir sous leur contrôle.
La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) a mené une succession d’opérations depuis Ber contre des positions de l’armée. Ses combattants se rassemblent désormais dans la région de Kidal.
La région désertique de Kidal est le foyer historique des rébellions indépendantistes dominées par les Touareg, une population nomade et marginalisée dont les soulèvements secouent le Mali depuis l’indépendance.
Les camps du nord sont des points stratégiques sur la route vers l’Algérie. Mais l’enjeu est aussi symbolique pour Bamako.
L’armée malienne a essuyé plusieurs défaites humiliantes face aux séparatistes entre 2012 et 2014, et l’insubordination de Kidal reste dans la gorge des militaires qui ont pris le pouvoir par la force en 2020 et font de la restauration de la souveraineté nationale un de leurs mantras.
Au moment où séparatistes et salafistes se soulèvent dans le nord en 2012, rapidement suivis par les jihadistes, l’armée malienne ne comptait qu’une douzaine de milliers d’hommes, selon un rapport parlementaire français de 2013.
Après dix ans d’assistance militaire française et européenne, puis russe, les effectifs sont estimés à environ 40 000 hommes. La société paramilitaire privée russe Wagner disposerait de plusieurs centaines d’hommes au Mali.
De quoi convaincre la junte de faire « un pari » en relançant les hostilités contre les rebelles, selon un diplomate occidental. Mais insuffisant pour contrôler un pays déjà soumis à d’intenses pressions des jihadistes.
« Le problème stratégique des forces maliennes, c’est leur manque de moyens. Soit ils subissent, soit ils mènent des opérations dynamiques qui se traduisent par des rafles ici et là, c’est le maximum qu’ils sont capables de faire», explique Jonathan Guiffard, expert associé à l’Institut Montaigne.
Bamako peut compter sur des moyens aériens acquis en 2022, notamment trois drones turcs Bayraktar, ainsi que des avions L39 Albatros livrés par la Russie, mais dont la disponibilité et l’efficacité au combat restent incertaines.
Il n’existe pas de statistiques crédibles pour mesurer les effectifs réels de la RMR. «Ils ont souvent menti pour augmenter leur nombre (dans le cadre d’un programme de désarmement des combattants) et ont caché leurs stocks d’armes», explique Marc-André Boisvert, chercheur au Centre FrancoPaix en résolution de conflits. Avant la reprise des hostilités avec Bamako, « un chiffre réaliste serait de 3 000 à 4 000 hommes », assure-t-il.
L’organisation de ces groupes leur permet cependant de regrouper des combattants pour des durées limitées, et des figures de la rébellion ont lancé mardi des appels à la mobilisation.
La source:
Africa News