Emmerson Mnangagwa, 80 ans, qui a succédé à l’homme fort Robert Mugabe lors d’un coup d’État, se forge une réputation de dirigeant encore plus autoritaire, déterminé à s’accrocher au pouvoir.
Surnommé « le crocodile » au Zimbabwe, le président sortant brigue mercredi un second mandat, au terme d’un scrutin redoutablement tendu. Ses détracteurs lui reprochent d’avoir mis en œuvre depuis des mois une répression de l’opposition, dans un contexte d’hyperinflation et d’économie en difficulté.
« C’est une figure très répressive et autoritaire », résume Brian Raftopoulos, politologue zimbabwéen.
Partisan d’une ligne dure et poids lourd du parti au pouvoir (Zanu-PF) depuis l’indépendance, Mnangagwa devient chef de l’Etat au terme d’une guerre de succession qui l’oppose à Grace Mugabe, l’épouse du président nonagénaire démis de ses fonctions en 2017.
La confrontation entre les rivaux s’est d’abord terminée par le limogeage de Mnangagwa du poste de vice-président. Craignant pour sa vie, il s’est enfui au Mozambique.
Son fils qui l’accompagne le décrit après un voyage nocturne à travers les montagnes, assis à un arrêt de bus, costume poussiéreux et chaussures déchirées, avec pour seule mallette remplie de dollars.
Mais en quelques semaines, la situation s’inverse. Les généraux prennent le pouvoir et dynamisent Mnangagwa. Le pays assiste au retour triomphal de l’ancien dauphin soutenu par le parti au pouvoir.
Pouvoir et pauvreté
L’année suivante, Mnangagwa remporte l’élection présidentielle avec 50,8 % des voix. L’opposition conteste les résultats, l’armée tue six manifestants. La justice valide le nerd.
Ce scrutin, qui opposait déjà comme mercredi Mnangagwa à son jeune rival Nelson Chamisa, aujourd’hui âgé de 45 ans, était porteur d’espoirs forts de libertés supplémentaires et de reprise économique, qui se sont vite dissipés.
Le pays riche en minerais reste accablé par d’importantes coupures d’électricité, des pénuries d’essence, de pain ou de médicaments. Les manifestations contre la vie chère sont violemment réprimées. L’opposition accuse le nouveau régime de surpasser Mugabe en brutalité.
Des lois ont récemment été adoptées pour museler toute opinion dissidente. Militants, élus et intellectuels sont arrêtés, multiplient les séjours en prison.
Le président accuse les sanctions occidentales contre le Zimbabwe d’empêcher la reprise de l’économie en difficulté, ce que Washington et l’UE nient, affirmant qu’elles ne ciblent que ceux impliqués dans la corruption et les abus des droits.
Sans doute plus répressif que son prédécesseur, M. Mnangagwa n’a pas la vision idéologique de Mugabe, estime M. Raftopoulos. « Cela repose sur la militarisation et la sécurisation, et non sur un message intellectuel fort. »
Depuis l’indépendance en 1980, Mnangagwa était un ami proche de Mugabe. Il a enchaîné les postes clés dans le système étatique.
Son mentor le met un temps de côté, se méfiant de son ambition. Mais il l’a choisi pour diriger sa campagne en 2008. Mugabe a perdu le premier tour et Mnangagwa aurait supervisé la vague de violence et d’intimidation qui a contraint l’opposition à se retirer du second tour.
Ex-ministre de la Défense notamment, il entretient des liens étroits avec les services de renseignement qu’il dirigeait.
Foulards et massacres
En public, il porte invariablement un foulard rayé aux couleurs nationales et souhaite se forger une image d’homme politique accessible.
Alors qu’il faisait campagne en 2018, il avait échappé à une explosion qui avait fait deux morts alors qu’il quittait le podium d’un rassemblement. L’année précédente, il avait déjà survécu en goûtant une glace dite empoisonnée.
Laconique, l’octogénaire épais aux cheveux teints se dit chrétien et affirme s’abstenir de boire de l’alcool six mois par an.
Né en 1942, Emmerson Dambudzo (« adversité » en langue shona) Mnangagwa s’est formé à la guérilla, notamment en Chine avant de rejoindre la lutte pour l’indépendance. Arrêté par les Britanniques, pendu la tête en bas à un crochet de boucher, il assoit sa légende.
Après avoir fait exploser un train, il est arrêté en 1964 et condamné à mort, peine commuée en prison en raison de son jeune âge.
Après l’indépendance, il est accusé d’être l’architecte des « atrocités de Gukurahundi » dans les années 1980, lorsque des soldats ont massacré quelque 20 000 civils de la minorité Ndebele pour réprimer l’opposition dans l’ouest du pays.
Il a entamé des négociations avec les chefs traditionnels pour tenter de régler les griefs de longue date concernant les massacres, qu’il qualifie de « mauvaise passe » dans l’histoire du pays.