Les autorités tanzaniennes ont inculpé des centaines de personnes de trahison pour avoir participé aux manifestations qui ont suivi les élections contestées du mois dernier. Cette inculpation marque une escalade majeure des tensions politiques, alors que le pays est secoué par des violences qui ont fait un nombre indéterminé de morts.
Outre les dizaines de personnes inculpées à Dar es Salaam, des dizaines d’autres font face à des accusations similaires de trahison ailleurs dans le pays, selon de nombreux actes d’accusation rendus publics samedi.
Parmi les suspects recherchés figure Josephat Gwajima, un prédicateur influent dont l’église a été radiée des registres religieux plus tôt cette année après qu’il a critiqué le gouvernement pour violations des droits de l’homme.
La police a également émis des mandats d’arrêt contre certains des principaux responsables de l’opposition qui n’avaient pas encore été emprisonnés.
Il s’agit notamment de Brenda Rupia, directrice de la communication du parti d’opposition Chadema, ainsi que de John Mnyika, son secrétaire général.
Chadema est le principal parti d’opposition tanzanien.
Son chef, Tundu Lissu, est emprisonné depuis plusieurs mois et fait également face à des accusations de trahison pour avoir appelé à des réformes électorales avant le scrutin du 29 octobre.
Parallèlement, le vice-président tanzanien, Emmanuel Nchimbi, a annoncé que le gouvernement du président Samia Suluhu Hassan avait « pris des mesures pour rétablir l’harmonie ».
Les autorités sont interrogées sur le nombre de morts après que les forces de sécurité ont tenté de réprimer les émeutes et les manifestations de l’opposition avant et après le vote.
Le Chadema affirme que plus de 1 000 personnes ont été tuées et que les forces de sécurité tentent de dissimuler l’ampleur du bilan en se débarrassant secrètement des corps.
L’Église catholique de Tanzanie estime que des centaines de personnes ont probablement été tuées.
Mais certains pensent que le nombre de morts pourrait en réalité être bien plus élevé.
La Commission kényane des droits de l’homme, une organisation de surveillance dans ce pays voisin, a affirmé vendredi dans un communiqué que 3 000 personnes ont été tuées par les forces de sécurité tanzaniennes, et que des milliers sont toujours portées disparues.
La présidente Samia Suluhu Hassan, qui a accédé automatiquement à la vice-présidence en 2021 suite au décès de son prédécesseur, a recueilli plus de 97 % des suffrages, selon les résultats officiels.
Elle était opposée à 16 candidats issus de petits partis après l’inéligibilité de Lissu et de Luhaga Mpina, du parti ACT-Wazalendo.
Des organisations de défense des droits humains ont dénoncé un climat de répression avant le scrutin.
Des disparitions forcées, des arrestations arbitraires et des exécutions extrajudiciaires ont été recensées, selon Amnesty International et d’autres organisations. Le gouvernement tanzanien réfute ces allégations.
L’Union africaine a déclaré cette semaine que ses observateurs avaient conclu que l’élection « n’était pas conforme aux principes, aux cadres normatifs et aux autres obligations et normes internationales relatives aux élections démocratiques de l’UA ».
Les observateurs de l’UA ont signalé des bourrages d’urnes dans plusieurs bureaux de vote et des cas où des électeurs ont reçu plusieurs bulletins de vote.
Le climat entourant l’élection « n’était pas propice au bon déroulement du scrutin ni à l’acceptation des résultats », indique le communiqué.
Le régime de parti unique est la norme en Tanzanie depuis l’avènement du multipartisme en 1992.
Cependant, les détracteurs du gouvernement soulignent que les précédents dirigeants toléraient l’opposition tout en conservant un pouvoir absolu, tandis que Hassan est accusée de gouverner avec un style autoritaire qui va à l’encontre des mouvements démocratiques menés par la jeunesse ailleurs dans la région.
Une faction du parti au pouvoir, le Chama cha Mapinduzi, qui entretient des liens avec le Parti communiste chinois, dirige la Tanzanie depuis son indépendance de la Grande-Bretagne en 1961, une période que Hassan a prolongée avec sa victoire.




