Les arnaques aux visas sont en hausse dans de nombreux pays développés, car le durcissement des règles d’immigration incite les migrants vulnérables à consulter des conseillers en visas frauduleux.
Les arnaques aux visas ont explosé au Canada ces dernières années. Au cours des six premiers mois de 2024, le Canada a refusé plus de 52 000 demandes de résidence temporaire en raison de fausses déclarations, notamment de soupçons de fraude, selon un rapport de l’Association canadienne des avocats en immigration (ACAI). En comparaison, seulement 46 000 demandes ont été refusées pour l’ensemble de l’année 2023.
La multiplication des fraudes a également des répercussions en Afrique : un programme gouvernemental de visas visant à recruter des travailleurs francophones au Canada est devenu la dernière cible de soi-disant « consultants fantômes ».
Le programme de visas francophones est corrompu.
Le Canada a lancé le Programme de mobilité francophone en 2019, visant à assurer la survie de la langue minoritaire du pays en augmentant le nombre d’immigrants francophones.
Suite à l’expansion du programme en 2023, les autorités prévoient que près de 80 000 résidents francophones d’Afrique émigreront au Canada d’ici 2027, selon les données d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).
Les criminels exploitent cette nouvelle porte d’entrée. Promettant des visas garantis en un temps record, les escrocs attirent leurs victimes avec des publicités en ligne se faisant passer pour des consultants en immigration spécialisés.
Selon RFI, certaines victimes rapportent avoir été facturées jusqu’à 15 000 $ avant que l’agresseur ne disparaisse.
Marie souhaitait une vie meilleure pour sa famille.
Une victime, utilisant un pseudonyme, a raconté à RFI son expérience. Originaire d’un pays africain francophone, Marie souhaitait s’installer au Canada pour une vie meilleure pour elle et sa famille.
En 2024, Marie a rencontré un « consultant fantôme » sur Facebook, qui lui a donné de fausses garanties de sécurité d’emploi et d’obtention d’un permis de séjour au Canada dans les six mois si elle payait.
« Il n’arrêtait pas d’insister sur la rapidité avec laquelle je devais envoyer l’argent. Il m’a assuré que le gouvernement canadien recherchait des profils comme le mien et que plus vite j’enverrais l’argent, plus vite je signerais les documents et obtiendrais ma résidence permanente », a-t-elle déclaré.
Une fois l’argent transféré, l’escroc a bloqué Marie sur toutes les applications, la laissant lourdement endettée et sans visa.
Un problème mondial.
Le Canada est loin d’être le seul pays développé à connaître une augmentation des escroqueries liées à l’immigration.
Au Royaume-Uni, un système de visa post-Brexit visant à pourvoir des postes vacants dans le secteur des services sociaux a été exploité par des entreprises de soins frauduleuses, qui ont ensuite vu leur licence de parrainage de travailleurs migrants révoquée, en raison de craintes d’abus, selon le journal The Guardian.
Aux États-Unis, les autorités ont également constaté une hausse des escroqueries aux visas : le nombre de plaintes pour fraude à l’immigration a plus que doublé entre 2023 et 2024, selon des données de la Commission fédérale du commerce (FTC) partagées avec le Washington Post.
Les escrocs exploitent le désespoir des migrants.
Selon Darren Penner, avocat canadien spécialisé en immigration au cabinet Boughton Law, le durcissement des lois sur l’immigration a encouragé la fraude, les victimes se tournant vers les escrocs, persuadées que c’est la seule solution pour obtenir un permis de séjour.
Le désespoir est un élément essentiel de la fraude aux visas, car les escrocs exploitent le désir des migrants vulnérables de commencer une vie meilleure à l’étranger.
En Afrique de l’Ouest francophone, les considérations économiques, telles que « trouver un emploi », « difficultés économiques », « pauvreté » et « meilleures perspectives commerciales », sont les principales raisons d’envisager l’émigration, selon une enquête d’Afrobarometer.
Réponse des gouvernements aux escroqueries aux visas.
Les gouvernements ont commencé à lutter contre la fraude à l’immigration. L’année dernière, le Canada a instauré des sanctions plus sévères pour les fraudeurs, notamment des amendes pouvant atteindre 1,5 million de dollars pour les consultants en immigration malhonnêtes qui aident leurs clients à présenter des demandes frauduleuses.
L’année dernière, le G7, qui comprend le Royaume-Uni et les États-Unis, a lancé son tout premier Sommet mondial sur la fraude, qui a abouti à un cadre en quatre points pour lutter contre la fraude. Dans le cadre de cet engagement, les pays s’engagent à renforcer la coopération policière, à améliorer le soutien aux victimes et à renforcer le partage de renseignements.