L’expulsion soudaine de l’ambassadeur d’Afrique du Sud aux États-Unis illustre ce que des experts qualifient de « harcèlement diplomatique » de la part de la nouvelle administration américaine. Selon Patrick Bond, politologue et économiste à l’Université de Johannesburg, cette décision reflète les tensions croissantes entre Washington et Pretoria, notamment sur la question du conflit israélo-palestinien.
Vendredi, le secrétaire d’État américain Marco Rubio a déclaré l’ambassadeur sud-africain Ebrahim Rasool persona non grata via un message sur la plateforme sociale X, lui donnant 72 heures pour quitter le territoire américain. Cette décision fait suite à un discours où Rasool avait critiqué ouvertement le président américain Donald Trump, provoquant une réaction immédiate de Washington.
Le lendemain, la présidence sud-africaine a réagi, qualifiant cette expulsion de « regrettable » et appelant à un retour à un « décorum diplomatique » entre les deux nations. Pretoria souligne l’importance du respect mutuel dans les relations internationales et dénonce ce qu’elle perçoit comme une tentative de Washington d’intimider les diplomates qui expriment des opinions divergentes.
Un contexte de tensions croissantes
Patrick Bond estime que la véritable raison de cette sanction diplomatique réside dans le rôle actif de l’Afrique du Sud sur la scène internationale, en particulier dans son opposition aux actions d’Israël à Gaza. En janvier 2024, Pretoria a déposé une plainte historique contre Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ), l’accusant de génocide contre les Palestiniens. Cette initiative a suscité de vives tensions avec les États-Unis, principal allié d’Israël.
« Les États-Unis veulent que l’Afrique du Sud retire cette plainte, car elle implique indirectement leur propre complicité dans le génocide. Mais la majorité des pays du monde soutiennent Pretoria dans cette démarche et considèrent que l’Afrique du Sud doit maintenir son leadership sur cette question, » explique Bond.
Par ailleurs, les déclarations d’Ebrahim Rasool sur Donald Trump auraient également joué un rôle déterminant dans cette expulsion. « L’ambassadeur Rasool a accusé Trump d’inspirer un mouvement mondial de suprématie blanche, ce qui a été perçu comme un affront inacceptable par l’administration américaine, » ajoute Bond.
Un signal d’intimidation pour l’Afrique
Pour l’expert, cette expulsion envoie un message clair aux autres nations du continent africain. « C’est un avertissement : les États-Unis veulent imposer leur hégémonie et ne toléreront pas la dissidence. Ils n’hésiteront pas à expulser un diplomate simplement pour avoir dit la vérité, » affirme-t-il.
Il appelle ainsi les pays africains à ne pas céder face à ces pressions et à défendre leur souveraineté diplomatique. « Tout le continent africain devrait s’élever contre cette intimidation. Il est impératif de rejeter ces méthodes de coercition et d’affirmer l’indépendance de la politique étrangère africaine, » conclut-il.
L’affaire met en lumière la fragilité des relations entre l’Afrique du Sud et les États-Unis et soulève des questions sur la capacité des nations africaines à s’opposer aux ingérences diplomatiques des grandes puissances.