L’armée congolaise a affirmé que l’armée rwandaise soutenait une rébellion active dans l’est de la RDC, ce que Kigali a démenti mardi. Cette décision intervient après des mois de suspicion croissante et des décennies de méfiance.
Lundi soir, le général Sylvain Ekenge, porte-parole du gouverneur militaire de la province du Nord-Kivu, a accusé les Forces rwandaises de défense (FDR) de soutenir le groupe rebelle dénommé M23 (pour « Mouvement du 23 mars »), qui aurait, selon lui, « mené des incursions et attaqué les positions des FARDC (Forces armées congolaises) à Tchanzu et Runyoni, dans le territoire de Rutshuru ».
Le ministre congolais de la Communication et porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, qui est apparu sur la chaîne française TV5 Monde, a utilisé le conditionnel mais a néanmoins fait le point : « Il est temps d’en finir avec cette forme d’hypocrisie ou cette forme de complicité entre les M23 et le gouvernement du Rwanda », a-t-il dit, « parce que nous voulons considérer le Rwanda comme un pays partenaire, comme nous regardons l’Ouganda ». Au vu des « affirmations de l’armée » de la RDC, a-t-il ajouté, « mon collègue des Affaires étrangères va inviter (mardi) l’ambassadeur du Rwanda, pour qu’il vienne nous donner des explications ».
Des militaires présumés arrêtés
« Nous réfutons catégoriquement les accusations sans fondement » de l’armée congolaise, a répliqué mardi dans un communiqué le gouverneur de la province rwandaise de l’Ouest, François Habitegeko. L’armée rwandaise « n’est en aucune façon impliquée dans des activités guerrières » en RDC, a-t-il ajouté.
Pour étayer ses accusations, le général congolais Ekenge a indiqué que deux militaires rwandais avaient été arrêtés lors des attaques de lundi et a donné leur identité : l’adjudant Jean-Pierre Habyarimana et le soldat John Uwajeneza Muhindi, alias Zaje, du 65e bataillon de la 402e brigade RDF.
Les deux militaires présumés, habillés en civil, se tenaient près de lui et ont été montrés à la télévision congolaise. Encore une fois, M. Habitegeko « a contesté ces fausses allégations ». Selon lui, les noms de ces deux hommes avaient été évoqués par la partie congolaise lors d’une réunion le 25 février à Kigali d’un mécanisme conjoint de renseignement.
Ces deux hommes ont été arrêtés « il y a plus d’un mois », a indiqué le gouverneur rwandais, ajoutant que l’armée rwandaise ne disposait d’aucun militaire portant les noms mentionnés.
Dans un message vidéo, le porte-parole du M23, Willy Ngoma, a également déclaré que le mouvement était « congolais » et ne recevait « aucune aide, ni de près ni de loin, d’aucun pays voisin ».
Combats en cours
Les combats en cours entre l’armée congolaise et le M23, qui ont commencé lundi, se sont poursuivis mardi dans la région.
La Mission de l’ONU en RDC, la Monusco, a annoncé avoir perdu le contact avec l’un de ses hélicoptères lors d’une mission de reconnaissance dans la zone. « Les causes de cette disparition ne sont pas encore connues, des recherches sont en cours », a ajouté la mission.
Aussi connu sous le nom d' »Armée révolutionnaire congolaise », le M23 est issu d’une ancienne rébellion congolaise tutsie autrefois soutenue par le Rwanda et l’Ouganda, pays frontaliers de cette province en proie à la violence de nombreux groupes armés depuis plus de 25 ans.
Vaincu en 2013 par l’armée congolaise, le M23 fait à nouveau l’actualité depuis novembre, lorsqu’il a été accusé d’avoir attaqué plusieurs positions militaires. Le mouvement reproche aux autorités de Kinshasa de ne pas respecter les engagements pris pour la démobilisation et la réinsertion de ses combattants.
Depuis l’arrivée massive en RDC de Hutus rwandais accusés d’avoir massacré des Tutsis lors du génocide de 1994, le Rwanda est régulièrement accusé par Kinshasa d’incursions au Congo et de soutenir des groupes armés à l’Est.
Les relations se sont apaisées avec l’arrivée au pouvoir début 2019 de Félix Tshisekedi, qui a rencontré à plusieurs reprises son homologue rwandais Paul Kagame. Mais le regain d’activité du M23 a ravivé la suspicion.